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la société musulmane
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la société musulmane
Nadia Marzouki aux Débats d’El Watan :
« Pour les sciences sociales, la société musulmane n’existe pas »
Il n’y a pas de société musulmane à proprement parler, mais une série de pratiques définies par un contexte, à mettre en rapport avec des normes et des actions, mais pas définies de manière déterminée. »C’est la conclusion à laquelle est parvenue la doctoresse Nadia Marzouki, politologue à l’université de Yale (Etats-Unis) durant son intervention aux Débats d’El Watan, qui se sont déroulés hier, à l’hôtel Essafir.
Cette conférence avait pour thème « Les sciences sociales à l’épreuve de l’Islam », ou plutôt les sciences sociales à « l’épreuve d’elles-mêmes », tant les chercheurs en sociologie se sont affrontés autour de cet « objet » qu’est l’Islam, et qui a de tout temps suscité de vives tensions. L’Islam et son étude sociologique ont fait « s’effondrer tout l’édifice des sciences sociales et de leurs outils », estime Nadia Marzouki. « C’est un véritable challenge, car il a fallu rompre avec les traditions orientalistes ou plus pragmatiques, dont les chercheurs n’ont eu de cesse de s’affronter et de se critiquer, parfois avec virulence », ajoute-t-elle. « Il existe une tension entre deux pôles, et les chercheurs oscillent entre les deux, sans arriver véritablement à trouver un juste équilibre », analyse la doctoresse, qui poursuit : « S’en est suivie une position ambiguë entre plusieurs sciences, sociologie, anthropologie, philologie, l’une empruntant à l’autre des outils d’étude. » La conférencière expliquera d’ailleurs que plusieurs « écoles », française et américaine, ont tenté de disséquer l’Islam comme phénomène « sociologique ».
La première en tant que colonisateur, la seconde s’y est intéressée durant la guerre froide pour ne pas laisser ces « peuples » à l’ennemi communiste seul. Et même si les points de vue ont divergé, la motivation était commune : le besoin de contrôler, de maîtriser, voire même de s’aliéner, ces populations « émergentes ». Et, afin d’analyser la communauté musulmane, il a fallu intégrer les différentes dimensions de cette religion, comme la dimension obligatoire de l’Islam, qui est parfois vécue comme une contrainte sociale, qui se pratique par peur de sanctions. Et plusieurs théories sont apparues au fil des ouvrages : la théorie qui intègre que l’Islam « explique tout », que la religion est un principe de cohésion sociale suprême, ou que « l’Islam n’est rien et n’explique rien ». Cette thèse va à l’encontre de l’ethnographie coloniale, qui préjuge du concept de société « islamo-musulmane », et qui sous-entend que les hommes issus de cette communauté n’ont pas d’autonomie, pas de libre arbitre.
Alors qu’une approche plus anthropologique remet en question ce déterminisme, en considérant que la vie au sein de ces communautés n’est pas prédéterminée. Par ailleurs, l’Islam a été, à partir des années 1950, appréhendé comme phénomène politique. « Cette religion a d’ailleurs une fonction politique de résistance, de lutte anticolonialiste, puis antiimpérialiste. » « L’islamisme comme idéologie, pour sa mobilisation communautaire, a été perçu par de nombreux orientalistes comme une aliénation collective, à laquelle font référence des coreligionnaires, juste parce qu’ils sont musulmans. Ce que j’estime être du mépris », tranche Nadia Marzouki. Toutefois, à partir des années 2000, il est apparu un refus de théorisation de l’Islam.
Ce dernier a alors été approché par les chercheurs en tant que tradition discursive, une série de pratiques, insérée dans un contexte particulier et qui diffère, de ce fait, d’un environnement à un autre. Et de même pour l’islamisme « politisé », car « dans la réalité, nous constatons que les personnes issues de ces mouvances agissent dans un contexte islamique. Mais le principe hégémonique est contré par le principe de pertinence, qui démontre que ces musulmans radicalisés sont souvent motivés par autre chose, autre que la religion en elle-même », conclut Nadia Marzouki.
Par Ghania Lassal
« Pour les sciences sociales, la société musulmane n’existe pas »
Il n’y a pas de société musulmane à proprement parler, mais une série de pratiques définies par un contexte, à mettre en rapport avec des normes et des actions, mais pas définies de manière déterminée. »C’est la conclusion à laquelle est parvenue la doctoresse Nadia Marzouki, politologue à l’université de Yale (Etats-Unis) durant son intervention aux Débats d’El Watan, qui se sont déroulés hier, à l’hôtel Essafir.
Cette conférence avait pour thème « Les sciences sociales à l’épreuve de l’Islam », ou plutôt les sciences sociales à « l’épreuve d’elles-mêmes », tant les chercheurs en sociologie se sont affrontés autour de cet « objet » qu’est l’Islam, et qui a de tout temps suscité de vives tensions. L’Islam et son étude sociologique ont fait « s’effondrer tout l’édifice des sciences sociales et de leurs outils », estime Nadia Marzouki. « C’est un véritable challenge, car il a fallu rompre avec les traditions orientalistes ou plus pragmatiques, dont les chercheurs n’ont eu de cesse de s’affronter et de se critiquer, parfois avec virulence », ajoute-t-elle. « Il existe une tension entre deux pôles, et les chercheurs oscillent entre les deux, sans arriver véritablement à trouver un juste équilibre », analyse la doctoresse, qui poursuit : « S’en est suivie une position ambiguë entre plusieurs sciences, sociologie, anthropologie, philologie, l’une empruntant à l’autre des outils d’étude. » La conférencière expliquera d’ailleurs que plusieurs « écoles », française et américaine, ont tenté de disséquer l’Islam comme phénomène « sociologique ».
La première en tant que colonisateur, la seconde s’y est intéressée durant la guerre froide pour ne pas laisser ces « peuples » à l’ennemi communiste seul. Et même si les points de vue ont divergé, la motivation était commune : le besoin de contrôler, de maîtriser, voire même de s’aliéner, ces populations « émergentes ». Et, afin d’analyser la communauté musulmane, il a fallu intégrer les différentes dimensions de cette religion, comme la dimension obligatoire de l’Islam, qui est parfois vécue comme une contrainte sociale, qui se pratique par peur de sanctions. Et plusieurs théories sont apparues au fil des ouvrages : la théorie qui intègre que l’Islam « explique tout », que la religion est un principe de cohésion sociale suprême, ou que « l’Islam n’est rien et n’explique rien ». Cette thèse va à l’encontre de l’ethnographie coloniale, qui préjuge du concept de société « islamo-musulmane », et qui sous-entend que les hommes issus de cette communauté n’ont pas d’autonomie, pas de libre arbitre.
Alors qu’une approche plus anthropologique remet en question ce déterminisme, en considérant que la vie au sein de ces communautés n’est pas prédéterminée. Par ailleurs, l’Islam a été, à partir des années 1950, appréhendé comme phénomène politique. « Cette religion a d’ailleurs une fonction politique de résistance, de lutte anticolonialiste, puis antiimpérialiste. » « L’islamisme comme idéologie, pour sa mobilisation communautaire, a été perçu par de nombreux orientalistes comme une aliénation collective, à laquelle font référence des coreligionnaires, juste parce qu’ils sont musulmans. Ce que j’estime être du mépris », tranche Nadia Marzouki. Toutefois, à partir des années 2000, il est apparu un refus de théorisation de l’Islam.
Ce dernier a alors été approché par les chercheurs en tant que tradition discursive, une série de pratiques, insérée dans un contexte particulier et qui diffère, de ce fait, d’un environnement à un autre. Et de même pour l’islamisme « politisé », car « dans la réalité, nous constatons que les personnes issues de ces mouvances agissent dans un contexte islamique. Mais le principe hégémonique est contré par le principe de pertinence, qui démontre que ces musulmans radicalisés sont souvent motivés par autre chose, autre que la religion en elle-même », conclut Nadia Marzouki.
Par Ghania Lassal
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